Lors du débat entre les chefs, mercredi soir, Mark Carney, le premier ministre sortant (et donc aussi le bilan de son prédécesseur Justin Trudeau), était au centre des critiques des trois autres leaders. Alors que le leader libéral a été réprimandé en ce qui concerne l’héritage libéral sur les questions d’immigration, d’économie et de logement, tous ont fait l’objet de critiques de la part de Patrice Roy, animateur du débat politique, pour être arrivés sur scène sans leur cadre financier.
Dès le lever de rideau, l’éléphant dans la pièce a été nommé. Qui serait donc le candidat le plus approprié pour rivaliser avec le président des États-Unis ?
En réponse, le leader conservateur Pierre Poilievre et le chef libéral Mark Carney ont tous deux dit « moi ». C’est alors que leur opposant Yves-François Blanchet, qui ne se présente pas pour le poste de premier ministre, a tiré ses premiers coups.
Il a critiqué le premier ministre sortant dont le parti a pris l’initiative dans les sondages au Québec.
« Vous prétendez avoir de l’expérience en gestion de crise. » Je n’en ai observé aucune. Vous prétendez avoir une expertise dans la négociation de contrats commerciaux. Je n’ai pas observé ça. « On doit vous croire, malgré votre manque d’expérience en politique », a déclaré Yves-François Blanchet à Mark Carney.
Lors de son intervention, le leader conservateur Pierre Poilievre a fait une comparaison entre Mark Carney et l’ex-premier ministre Justin Trudeau. « Le souci, c’est que votre formation politique gouverne depuis une décennie », a-t-il lâché sur le plateau.
Il a tranché qu’il faut renverser ces « politiques économiques libérales qui ont affaibli notre pays ».
Jagmeet Singh, le leader néo-démocrate qui a fait de la santé une priorité, s’est souvent attaqué à ses adversaires. Il a accusé Pierre Poilievre de vouloir « américaniser » le régime de santé canadien et reproché à son homologue du Bloc québécois d’ignorer les programmes de soins dentaires et d’assurance médicaments.
« Jagmeet Singh a lancé à Yves-François Blanchet : « Vous êtes aussi inutile que la monarchie. » »
Pas de structure financière.
Patrice Roy, le modérateur, a remarqué que tous les candidats sont venus au débat « les mains vides », sans cadre financier pour juger le prix de leurs engagements électoraux. « Nous ne savons pas comment vous comptez couvrir les coûts de vos réductions fiscales. » « N’est-ce pas complètement irresponsable face à l’électorat canadien ? », leur a-t-il interpellé.
Mark Carney a assuré qu’il révélerait le sien pendant le week-end. À l’instar de son rival conservateur, il s’engage à diminuer les dépenses tout en rehaussant les investissements. Le dirigeant libéral a indiqué qu’il diminuerait la hausse des dépenses, réduirait le nombre d’employés publics par attrition, mais qu’il ne procéderait pas à des coupes.
Pierre Poilievre a souligné qu’il mettrait fin à l’embauche de consultants par le gouvernement, diminuerait également le nombre de fonctionnaires par voie d’attrition et chercherait à faire un dollar d’économie pour chaque dollar dépensé de nouveau. Cependant, il a souligné que sa stratégie visant à « libérer les ressources naturelles » produirait 70 milliards de dollars.
« C’est des budgets à la Harry Potter, ça ! », s’est écrié Yves-François Blanchet. Il les a accusés de « recourir à la magie » en tentant d’accroître les dépenses sans réduire.
Jagmeet Singh a dénoncé qu’il était le seul à suggérer une hausse des revenus de l’État en supprimant les échappatoires fiscales et en augmentant l’imposition sur les grandes entreprises « qui ne s’acquittent pas de leur juste part ».
Un accord sur la question de l’immigration.
Il est largement reconnu que le système d’immigration a subi une pression intense ces dernières années, dépassant sa capacité d’accueil – particulièrement en ce moment avec l’augmentation du nombre de requérants d’asile à la frontière entre le Canada et les États-Unis.
Y a-t-il eu une dérive sous le gouvernement libéral de Justin Trudeau ? « Effectivement. » Mark Carney a reconnu : « Le système n’est pas opérationnel. » Il a souligné que les limites déclarées par le précédent gouvernement seraient conservées « pour une durée de plusieurs années » s’il est élu le 28 avril à venir.
Le gouvernement libéral a profité de la bienveillance des Québécois avec un système d’immigration incontrôlable […] Cela a engendré une crise du logement.
Il n’a pas omis de souligner l’Initiative du siècle, qualifiant ce plan visant à porter la population canadienne à 100 millions d’habitants d’ici 2100 d’« extrême ». Yves-François Blanchet, le leader bloquiste, a également mentionné le concept soutenu par des groupes d’affaires, mais en utilisant son appellation anglaise.
Concernant l’accord sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis, Jagmeet Singh est le seul à demander sa suspension, en raison de la situation qui règne au sud de la frontière sous l’administration Trump. C’est une perspective de longue date au sein du camp néo-démocrate.
Pierre Poilievre est le seul leader fédéral qui a promis de financer le troisième lien qui « sera bleu », a-t-il plaisanté. Il a saisi l’occasion pour adresser un message « aux habitants des régions », promettant qu’il n’interdira pas les véhicules fonctionnant à l’essence.
« Vous pourrez conserver vos voitures et nous pourrons construire des autoroutes et des ponts afin que vous ayez une belle existence dans les régions », a-t-il déclaré.
Pour sa part, Mark Carney a déclaré qu’il soutiendrait financièrement le projet de tramway de Québec et n’a pas pris position sur le troisième lien en raison de l’absence de « projet à ce moment-ci ».
Jagmeet Singh a réussi à se démarquer lors du volet environnemental en obtenant un nouvel engagement de son concurrent libéral concernant les subventions accordées aux compagnies pétrolières.
« Prévoyez-vous de cesser les subventions à ces sociétés ? », a interrogé le leader néo-démocrate.
« Tout à fait », a répondu M. Carney.
Le micro est coupé à Singh.
Durant ce débat, les instants de cacophonie ont été rares. Cependant, l’animateur n’a pas hésité à interrompre Jagmeet Singh qui souhaitait aborder le sujet de la santé pendant la partie dédiée à l’identité et à la souveraineté. Trois avertissements lui ont été donnés par Patrice Roy.
« Cela compte beaucoup pour moi. » « C’est une question d’identité nationale », a argué le leader néo-démocrate après avoir regagné la parole quelques minutes plus tard, et après avoir bénéficié de moins de temps de discours que les autres. « C’est inéquitable », a-t-il déploré.
Le bruit d’une feuille déchirée a interrompu plusieurs fois la transmission des discussions durant la soirée.
Pour des raisons liées à un match crucial du Canadien de Montréal, le débat en français a été avancé de deux heures. Le départ a été lancé à 18 h, plutôt qu’à 20 h comme prévu initialement, dans les locaux de la Maison de Radio-Canada à Montréal.
On a présenté quatre leaders au lieu de cinq, Jonathan Pedneault, co-dirigeant du Parti vert, ayant été exclu à la dernière minute par la Commission des débats des chefs mercredi matin.
Le second et dernier débat de cette campagne se tiendra jeudi à 19 heures. Cela se fera en anglais et sera dirigé par Steve Paikin, présentateur d’une émission de débats publics sur la chaîne TVO.